Quand la littérature inspire la littérature...

Quand la littérature inspire la littérature, cela donne des œuvres dérivées qui suscitent des commentaires parfois tranchés chez les lecteurs exigeants - et ce avant même leur parution.
Pour être honnête, je me méfie grandement des romans qui prétendent prendre la suite ou, au contraire, revenir aux origines d'un autre roman. Lorsque j'ai refermé (après seulement quelques pages) Les Caprices de Miss Mary, qui entendait prolonger l'histoire d'Orgueil et préjugés, je me suis dit : « Plus jamais ! » Le début du livre ne correspondait pas du tout à ce que j'imaginais de la vie des personnages au-delà de l'histoire de Jane Austen ; de plus, la nouvelle trame ne semblait pas très plausible et était plutôt faite pour attirer le lecteur (la lectrice, en vérité) en profitant de la renommée d'un auteur disparu. Chat échaudé...

Mais dans la catégorie des œuvres « dérivées », il existe aussi des romans dont la portée est plus biographique et documentaire que purement littéraire. Quand j'étais Jane Eyre, de Sheila Kohler, semble en faire partie :

Sous la plume de Charlotte Brontë qui se remémore sa vie, cette fiction restitue le climat qui a donné naissance à l’œuvre des sœurs Brontë, « Jane Eyre ».

Jane Eyre : l’œuvre des sœurs Brontë ? Surtout d'une, en réalité ! Le résumé est un peu mince, mais une petite phrase de J.M. Coetzee himself (prix Nobel de littérature en 2003) nous en dit plus :

« Avec une incroyable aisance, Sheila Kohler oscille entre fiction et biographie, entre la vie intérieure de Charlotte Brontë au moment où elle écrit Jane Eyre et le spectacle de la rivalité professionnelle entre les trois sœurs Brontë. »

Une rivalité professionnelle : voilà qui est déjà plus prometteur. Eh bien, je me laisserai tenter... quand le livre sera disponible au format poche !

En effet, voilà une charmante tentation, encore faut-il que je me plonge dans Jane Eyre! Cela ne saurait tardé!

Dans la lignée de ces romans modernes qui se proposent de revisiter certains classiques, soit en les réécrivant, soit en les poursuivant de manière libre, je vous propose une imitation contemporaine de l'unique roman d'Oscar Wilde, à savoir Le portrait de Dorian Gray. C'est Will Self, un auteur anglais qui l'a réécrit en 2002 dans l'ambiance de la fin du XXème siècle. Pourquoi pas?

Quatrième de couverture: Henry Wotton est un dandy qui use et abuse de tous les plaisirs illicites : sexe, drogue, alcool, et bons mots. Dans le studio de son ami (et ex-amant) Basil Hallward, vidéaste très en vogue, il rencontre Dorian Gray, un jeune homme d'une grande beauté. Il se propose de l'initier à toute une vie de débauche... Dorian se laisse tenter, tout en faisant le voeu de garder la fraîcheur et l'innocence de la jeunesse. Mais il y a le sida et ses ravages... Dorian est Le Portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde transposé un siècle plus tard. Wilde racontait la déchéance du XIXe siècle finissant, Will Self, lui, raconte la lente dérive du Londres décadent des années 80 et 90. Dans ces variations sur un mythe, il dépeint, avec le cynisme et l'humour qu'on lui connaît, une fin de siècle désormais révolue.

Morrison a écrit:[justify]En effet, voilà une charmante tentation, encore faut-il que je me plonge dans Jane Eyre! Cela ne saurait tarder!

En effet, il vaut mieux ne pas mettre la charrue avant les bœufs. Il en va de même avec Le Portrait de Dorian Gray et Dorian, je suppose. Encore une raison qui m'incite à relire le roman de Wilde (s'il en fallait une ) !

L'écrivain anglais David Lodge s'est inspiré d'un autre auteur anglais, H.G. Wells, pour écrire Un homme de tempérament (paru il y a quelques jours aux éditions Rivages) :

Fervent défenseur de l'amour libre, H.G. Wells a multiplié les aventures et mésaventures sexuelles qui lui ont compliqué sa vie privée et contrarié ses ambitions d'homme politique. Dans sa maison londonienne barricadée pendant le blitz de 1944, malade, il revient sur son existence peuplée d'incidents, de livres et de femmes.

H.G. Wells est notamment l'auteur de La Machine à explorer le temps et de L'Homme invisible, pour ne citer que deux de ses romans les plus connus. (Car il fut très prolifique... littérairement parlant, bien sûr .) D'après Wikipedia, il a entretenu des liaisons avec un grand nombre de femmes dont Margaret Sanger, "l'activiste américaine du contrôle des naissances". Cela ne s'invente pas !